jeudi 4 janvier 2018

Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie





Bonjour à tous,

Tout d’abord, tous mes vœux de santé, bonheur et réussite pour vous et vos proches pour cette nouvelle année 2018 qui s’offre à nous !
J’espère que les fêtes de fin d’années furent belles et réjouissantes et que vous démarrez l’année d’un excellent pied !

Pour le premier article de l’année, c’est avec un immense plaisir que je partage avec vous mon avis sur le très célèbre « Americanah » de l’inégalable auteure Nigériane, Chimamanda Ngozi Adichie.

Vous vous en doutez peut-être déjà mais… J’ai ADORÉ ce roman ! A la fois parce que le style de l’auteure est riche, drôle et prenant ; parce que je suis réellement admirative de son habileté à dépeindre l'absurdité de certaines situations insignifiantes du quotidien sur un ton à la fois léger et drôle ; mais aussi à cause des thématiques abordées dans le roman, qui m’ont inévitablement renvoyée à mon propre vécu d’africaine immigrée en occident.

L’histoire racontée est celle d’Ifemelu, une jeune femme nigériane à la parole audacieuse et irrévérencieuse, qui est née et a grandi au Nigéria, avant de partir aux États-Unis pour ses études supérieures, abandonnant ainsi derrière elle Obinze, son grand amour de jeunesse avec lequel elle nourrissait des envies d’ailleurs.

Sa nouvelle vie aux États-Unis est bien loin de celle qu’elle avait imaginée, tout d’abord à cause de sa vision très idéalisée de l’Amérique qui conduit à un véritable choc de cultures dès son arrivée, mais aussi parce qu’elle est confrontée à la nécessité de travailler pour payer son loyer et ses dépenses quotidiennes, puis à la difficulté de trouver un job avec un visa étudiant, ce qui l’oblige à travailler avec les papiers d’une amie de sa tante Uju.

Suite à une expérience traumatisante, elle plonge dans une sévère dépression pendant laquelle elle coupe les ponts avec Obinze, avant de poursuivre son intégration dans une Amérique où il est encore difficile pour les noirs de se sentir pleinement légitimes, tandis qu’un fossé de plus en plus profond se creuse entre Obinze et elle.

Chimamanda Ngozi Adichie mêle avec habileté passé et présent, faisant des flashbacks réguliers sur les vies d’Ifemelu et d’Obinze lorsqu’ils étaient au Nigéria, avant de nous entraîner, tour à tour, dans leurs vies présentes, Ifemelu aux États-Unis, Obinze tentant  sa chance en Angleterre avant de retourner au Nigéria, puis à nouveau dans celle d’Ifemelu lorsqu’elle prend la décision de retourner vivre dans son pays d’origine après quinze ans passés aux États-Unis.

 Au-delà du récit des vies d’Ifemelu et d’Obinze et de leur histoire d’amour attachante et passionnée, c’est la condition même de l’être noir qui est décortiquée par l’auteure, qu’il vive en Afrique ou en occident. En Afrique où les noirs sont majoritaires, Ifemelu n’a jamais eu à réfléchir à sa couleur de peau, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle arrive aux États-Unis, où elle réalise que les noirs sont une minorité discriminée et sur lesquels le poids de l’esclavage continue à peser. Ses observations sur la condition de l’Homme noir aux États-Unis feront d’ailleurs l’objet de son blog intitulé « Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu'on appelait jadis les nègres) par une Noire non-américaine » et dont quelques extraits sont régulièrement cités dans le livre.

L’auteure aborde également la difficulté pour un noir africain, diplômé dans son pays d’origine, de pouvoir exercer le même métier aux États-Unis, sans équivalences, à l’instar d’Uju, la tante d’Ifemelu, qui a dû pratiquement tout recommencer à zéro avant de pouvoir exercer comme médecin.

Le thème du défrisage, pratique très répandue chez les noirs, surtout les femmes, est également abordé. A son arrivée aux États-Unis, Ifemelu porte ses cheveux naturellement crépus sous des tresses avant de se résoudre à les défriser lorsqu’elle finit ses études et commence à passer des entretiens d’embauche, afin de rentrer dans la « norme » du cheveu lisse, considéré comme professionnel, là où le cheveu crépu, lui, est considéré comme… non professionnel. Très rapidement, le défrisage abîme ses cheveux, provoquant leur chute, ce qui l’oblige à arrêter cette pratique et, aidée d’une amie noire, à faire des recherches pour garder à nouveau ses cheveux naturellement crépus.

Au fil du roman, les époques se succèdent, telles les vies plurielles qu’un être humain peut avoir au cours d’une seule et même existence. Ainsi, les parents d’Ifemelu finissent par avoir un téléphone fixe à la maison alors que, dans sa jeunesse, ils n’en avaient pas les moyens ; Ifemelu, qui manquait d'argent pour payer son loyer et faire des courses, vivait dans un logement miteux et peinait à joindre les deux bouts, finira par mener une vie de luxe lorsqu’elle sort avec Curt, un Américain blanc, avant de gagner sa propre vie grâce au succès de son blog qui génère des revenus confortables à travers les publicités, devenant ainsi une vraie Americanah autrement dit, une nigériane américanisée.

A nouveau, chapeau bas à Chimamanda Ngozi Adichie pour ce 3e roman remarquable, que j’ai eu le plaisir de savourer après les deux premiers (L’hibiscus pourpre ; L’autre moitié du soleil) qui m’avaient également séduites.

Si vous aussi vous l’avez lu, n’hésitez pas à partager vos ressentis avec  moi !

Très bonnes lectures et à très bientôt sur le blog pour un nouveau partage littéraire !


Citations

Page 104
Quand Ifemelu rapporta à ses parents que la famille de Ginika avait enfin décidé de partir (aux États-Unis, ndlr), son père soupira : « Au moins ils ont la chance d’avoir le choix », et sa mère ajouta « Ils sont bénis. » […]
- Ginika, j’espère que tu sauras encore nous parler à ton retour, dit Priye.
- Quand elle reviendra, elle sera devenue une Americanah sérieuse comme Bisi, dit Ranyinudo.
Elles s’esclaffèrent en entendant le mot « Americanah », prononcé avec jubilation, en traînant sur la quatrième syllabe, et à la pensé de Bisi, une fille de la classe en dessous de la leur qui était revenue d’un court séjour en Amérique avec des manières affectées, feignant de ne plus comprendre le yoruba […].

Page 274
Ifemelu resta en contemplation (à la fenêtre, ndlr) jusqu’à ce que Tante Uju s’asseye à la table, buvant du jus d’orange et exposant ses doléances comme des bijoux. C’était devenu une habitude durant les visites d’Ifemelu : elle rassemblait tous ses griefs dans une bourse de soie, les entretenait, les polissait, et quand Ifemelu venait en visite le samedi, Batholomew absent et Dike à l’étage, elle les étalait sur la table, les retournait chacun dans un sens puis dans l’autre, pour les mettre en lumière.

Page 308
Extrait du blog d’Ifemelu

Les minorités raciales en Amérique – Noirs, Latinos, Asiatiques et Juifs – sont toutes recouvertes de merde par les Blancs, des merdes différentes, mais de la merde quand même. Chacune croit secrètement recevoir la pire. […] Cependant, tous les autres croient être supérieurs aux Noirs parce que, eh bien, parce qu’ils ne sont pas noirs. […] De nombreuses minorités ont une attirance conflictuelle pour la blancheur WASP ou, plus précisément, pour les privilèges de la blancheur WASP. Ils n’aiment probablement pas vraiment la peau blanche mais ils aiment certainement pouvoir entrer dans un magasin sans être suivis par un type de la sécurité. […] Alors si tout le monde en Amérique aspire à être WASP, à quoi aspirent les WASP ? Quelqu’un le sait-il ?