Bonjour à tous,
Tout d’abord, tous mes vœux de santé, bonheur et réussite pour vous et vos proches pour cette nouvelle année 2018 qui s’offre à nous !
J’espère que les fêtes de fin d’années furent
belles et réjouissantes et que vous démarrez l’année d’un excellent pied !
Pour le premier article de l’année, c’est avec un
immense plaisir que je partage avec vous mon avis sur le très célèbre
« Americanah » de l’inégalable auteure Nigériane, Chimamanda Ngozi Adichie.
Vous vous en doutez peut-être déjà mais… J’ai ADORÉ
ce roman ! A la fois parce que le style de l’auteure est riche, drôle et
prenant ; parce que je suis réellement admirative de son habileté à
dépeindre l'absurdité de certaines situations insignifiantes du quotidien sur
un ton à la fois léger et drôle ; mais aussi à cause des thématiques
abordées dans le roman, qui m’ont inévitablement renvoyée à mon propre vécu
d’africaine immigrée en occident.
L’histoire racontée est celle d’Ifemelu, une jeune femme
nigériane à la parole audacieuse et irrévérencieuse, qui est née et a grandi au
Nigéria, avant de partir aux États-Unis pour ses études supérieures,
abandonnant ainsi derrière elle Obinze, son grand amour de jeunesse avec lequel
elle nourrissait des envies d’ailleurs.
Sa nouvelle vie aux États-Unis est bien loin de
celle qu’elle avait imaginée, tout d’abord à cause de sa vision très idéalisée
de l’Amérique qui conduit à un véritable choc de cultures dès son arrivée, mais
aussi parce qu’elle est confrontée à la nécessité de travailler pour payer son
loyer et ses dépenses quotidiennes, puis à la difficulté de trouver un job avec
un visa étudiant, ce qui l’oblige à travailler avec les papiers d’une amie de
sa tante Uju.
Suite à une expérience traumatisante, elle plonge
dans une sévère dépression pendant laquelle elle coupe les ponts avec Obinze, avant
de poursuivre son intégration dans une Amérique où il est encore difficile pour
les noirs de se sentir pleinement légitimes, tandis qu’un fossé de plus en plus
profond se creuse entre Obinze et elle.
Chimamanda Ngozi Adichie mêle avec habileté passé
et présent, faisant des flashbacks réguliers sur les vies d’Ifemelu et d’Obinze
lorsqu’ils étaient au Nigéria, avant de nous entraîner, tour à tour, dans leurs
vies présentes, Ifemelu aux États-Unis, Obinze tentant sa chance en Angleterre avant de retourner au
Nigéria, puis à nouveau dans celle d’Ifemelu lorsqu’elle prend la décision de
retourner vivre dans son pays d’origine après quinze ans passés aux États-Unis.
Au-delà du
récit des vies d’Ifemelu et d’Obinze et de leur histoire d’amour attachante et
passionnée, c’est la condition même de l’être noir qui est décortiquée par
l’auteure, qu’il vive en Afrique ou en occident. En Afrique où les noirs sont
majoritaires, Ifemelu n’a jamais eu à réfléchir à sa couleur de peau, ce qui
n’est pas le cas lorsqu’elle arrive aux États-Unis, où elle réalise que les
noirs sont une minorité discriminée et sur lesquels le poids de l’esclavage
continue à peser. Ses observations sur la condition de l’Homme noir aux États-Unis
feront d’ailleurs l’objet de son blog intitulé « Observations diverses sur les Noirs américains (ceux qu'on appelait
jadis les nègres) par une Noire non-américaine » et dont quelques
extraits sont régulièrement cités dans le livre.
L’auteure aborde également la difficulté pour un
noir africain, diplômé dans son pays d’origine, de pouvoir exercer le même
métier aux États-Unis, sans équivalences, à l’instar d’Uju, la tante d’Ifemelu,
qui a dû pratiquement tout recommencer à zéro avant de pouvoir exercer comme
médecin.
Le thème du défrisage, pratique très répandue chez
les noirs, surtout les femmes, est également abordé. A son arrivée aux États-Unis,
Ifemelu porte ses cheveux naturellement crépus sous des tresses avant de se
résoudre à les défriser lorsqu’elle finit ses études et commence à passer des
entretiens d’embauche, afin de rentrer dans la « norme » du cheveu
lisse, considéré comme professionnel, là où le cheveu crépu, lui, est considéré
comme… non professionnel. Très rapidement, le défrisage abîme ses cheveux,
provoquant leur chute, ce qui l’oblige à arrêter cette pratique et, aidée d’une
amie noire, à faire des recherches pour garder à nouveau ses cheveux naturellement
crépus.
Au fil du roman, les époques se succèdent, telles
les vies plurielles qu’un être humain peut avoir au cours d’une seule et même
existence. Ainsi, les parents d’Ifemelu finissent par avoir un téléphone fixe à
la maison alors que, dans sa jeunesse, ils n’en avaient pas les moyens ;
Ifemelu, qui manquait d'argent pour payer son loyer et faire des courses,
vivait dans un logement miteux et peinait à joindre les deux bouts, finira par
mener une vie de luxe lorsqu’elle sort avec Curt, un Américain blanc, avant de
gagner sa propre vie grâce au succès de son blog qui génère des revenus
confortables à travers les publicités, devenant ainsi une vraie Americanah
autrement dit, une nigériane américanisée.
A nouveau, chapeau bas à Chimamanda Ngozi Adichie
pour ce 3e roman remarquable, que j’ai eu le plaisir de savourer
après les deux premiers (L’hibiscus pourpre ; L’autre moitié du soleil) qui
m’avaient également séduites.
Si vous aussi vous l’avez lu, n’hésitez pas à
partager vos ressentis avec moi !
Très bonnes lectures et à très bientôt sur le
blog pour un nouveau partage littéraire !
Citations
Page 104
Quand Ifemelu rapporta à ses parents que la famille
de Ginika avait enfin décidé de partir (aux États-Unis, ndlr), son père
soupira : « Au moins ils ont la chance d’avoir le choix », et sa
mère ajouta « Ils sont bénis. » […]
- Ginika, j’espère que tu sauras encore nous parler
à ton retour, dit Priye.
- Quand elle reviendra, elle sera devenue une
Americanah sérieuse comme Bisi, dit Ranyinudo.
Elles
s’esclaffèrent en entendant le mot « Americanah », prononcé avec
jubilation, en traînant sur la quatrième syllabe, et à la pensé de Bisi, une
fille de la classe en dessous de la leur qui était revenue d’un court séjour en
Amérique avec des manières affectées, feignant de ne plus comprendre le yoruba
[…].
Page 274
Ifemelu resta en contemplation (à la fenêtre, ndlr)
jusqu’à ce que Tante Uju s’asseye à la table, buvant du jus d’orange et exposant
ses doléances comme des bijoux. C’était devenu une habitude durant les visites
d’Ifemelu : elle rassemblait tous ses griefs dans une bourse de soie, les
entretenait, les polissait, et quand Ifemelu venait en visite le samedi,
Batholomew absent et Dike à l’étage, elle les étalait sur la table, les
retournait chacun dans un sens puis dans l’autre, pour les mettre en lumière.
Page 308
Extrait du blog d’Ifemelu
Les minorités raciales en Amérique – Noirs,
Latinos, Asiatiques et Juifs – sont toutes recouvertes de merde par les Blancs,
des merdes différentes, mais de la merde quand même. Chacune croit secrètement
recevoir la pire. […] Cependant, tous les autres croient être supérieurs aux
Noirs parce que, eh bien, parce qu’ils ne sont pas noirs. […] De nombreuses
minorités ont une attirance conflictuelle pour la blancheur WASP ou, plus
précisément, pour les privilèges de la blancheur WASP. Ils n’aiment
probablement pas vraiment la peau blanche mais ils aiment certainement pouvoir
entrer dans un magasin sans être suivis par un type de la sécurité. […] Alors
si tout le monde en Amérique aspire à être WASP, à quoi aspirent les
WASP ? Quelqu’un le sait-il ?